Prendre soin des soignants : focus sur les pharmaciens d’officine et leurs équipes Une profession de santé en première ligne

Prendre soin des soignants : focus sur les pharmaciens d’officine et leurs équipes
Une profession de santé en première ligne
Prendre soin des soignants : les pharmaciens d’officine en première ligne face aux violences
La crise sanitaire a mis en lumière le rôle essentiel des pharmaciens d’officine et de leurs équipes dans le parcours de soins. En première ligne, accessibles sans rendez-vous, ils assurent une continuité de service souvent sous-estimée. Pourtant, cette proximité fait aussi d’eux des cibles de plus en plus fréquentes de violences, tant verbales que physiques.
Il devient vital de se pencher sur leur protection, leur bien-être, et leur reconnaissance.
1. Données récentes sur les agressions en officine (bilan 2023 de l’ONP) :
- 475 agressions ont été déclarées, soit une augmentation de près de 30% par rapport à l’année précédente.
- 97% des agressions recensées ont eu lieu en officine.
- 60% des agressions concernent des atteintes aux personnes (injures, menaces, agressions physiques).
- 40% des agressions sont des atteintes aux biens (vols et dégradations).
- Trois quarts des agressions se déroulent pendant les heures d’ouverture, mais les agressions pendant les gardes ont doublé en 5 ans.
https://www.ordre.pharmacien.fr/mediatheque/bilan-des-agressions-des-pharmaciens-2023
2. Formes de violences
- Verbales : propos agressifs, insultes, menaces
- Physiques : bousculades, jets d’objets, parfois coups
- Psychologiques : harcèlement, dénigrement répété, pression constante
- Institutionnelles : surcharge administrative, manque de reconnaissance, conditions de travail dégradées
3. Des causes multiples, révélatrices d’un malaise global
Les tensions dans les officines s’expliquent par plusieurs facteurs :
- La saturation du système de santé, qui déporte vers les officines des patients frustrés ou en errance médicale
- L’évolution du rôle du pharmacien, qui s’est vu confier de nouvelles responsabilités (vaccinations, dépistages, accompagnement des maladies chroniques)
- Des situations conflictuelles récurrentes : ruptures de stock, refus de délivrance, désaccords autour du tiers-payant ou de la substitution.
® Des conséquences humaines et professionnelles profondes
Ces agressions, souvent banalisées, ont des effets délétères :
- Souffrance au travail : stress chronique, démotivation, voire épuisement professionnel (burn-out)
- Désengagement progressif : perte de motivation, baisse de la qualité de la relation avec le patient, burn-out, dégradation de la qualité d’accueil et du lien de confiance avec les patients
- Turnover et désertification : rotation du personnel accrue avec difficulté à recruter des préparateurs notamment, départs anticipés à la retraite
- Impact sur la santé publique : moins d’écoute, de vigilance, d'accompagnement thérapeutique.
4. Quelles solutions concrètes ?
a. Les textes réglementaires et actions proposées
- Constitution de partie civile de l’Ordre des pharmaciens
Depuis l’ordonnance n°2017-644 du 27 avril 2017, l’Ordre est habilité à se constituer partie civile devant les juridictions pénales dans les affaires où un pharmacien est victime de violences ou de menaces en raison de son appartenance à la profession.
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000034533094
- Proposition de loi pour renforcer la sécurité des professionnels de santé
Le 14 mars 2024, une proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale. Ce texte prévoit :
- Une aggravation des peines pour les violences commises sur les professionnels de santé, y compris les pharmaciens d’officine, ainsi que pour les vols de matériel médical et paramédical dans les établissements de santé.
- Extension du délit d’outrage à tous les professionnels de santé libéraux et aux personnels exerçant dans les structures mentionnées.
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/dossiers/renforcer_securite_professionnels_sante
- Code de la santé publique – Article L.4233-1
Cet article confère à l’Ordre la compétence pour exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession pharmaceutique, y compris en cas de menaces ou violences commises en raison de l’appartenance à cette profession.
- Plan national d’action contre les violences faites aux professionnels de santé
En décembre 2023, le ministère de la Santé et de la Prévention a lancé une campagne de communication pour lutter contre les violences faites aux professionnels de santé. Cette campagne comprend :
- Un volet pour le grand public visant à sensibiliser sur le respect dû aux soignants.
- Un volet pour les professionnels de santé, incluant un kit de communication avec des affiches et des supports pour sensibiliser les patients.
- Un volet pour déclarer les violences et accompagner les victimes.
https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/dp_securite-professionnels-de-sante.pdf
- Campagne "Stop aux violences contre les professionnels de santé"
Lancée en décembre 2023, cette campagne vise à sensibiliser le public sur les violences faites aux professionnels de santé et à rappeler que toute violence est punie par la loi.
https://sante.gouv.fr/grands-dossiers/stop-aux-violences-contre-les-professionnels-de-sante/
Les recommandations pour les pharmaciens victimes de violences
- Déposer plainte : Cela permet d’enclencher la chaîne judiciaire. Le code pénal prévoit des peines aggravées en cas d’atteinte à un professionnel de santé dans l’exercice de ses fonctions.
- Contacter l’Ordre des pharmaciens : En cas d’agression, l’Ordre peut se constituer partie civile aux côtés du pharmacien, au titre de la défense de l’intérêt collectif de la profession.
- Utiliser les outils de sensibilisation : Le kit de communication du ministère de la Santé peut être affiché en officine pour sensibiliser les patients au respect dû aux professionnels de santé.
b. Des mesures de prévention
1.Prévention des violences :
- Installation de dispositifs de sécurité (caméras, boutons d’alerte)
- Affichage clair des règles de respect mutuel
2. Reconnaissance institutionnelle :
- Extension du statut de “personne chargée d’une mission de service public” à l’ensemble des équipes officinales
- Campagnes nationales de sensibilisation du public
3. Valorisation du travail en équipe :
- Temps d’échanges réguliers pour libérer la parole
4. Accompagnement et formation de votre URPS :
- Après une agression - Accès à des cellules de soutien psychologique
L’inter-URPS du Grand Est a signé un CPOM avec l’ARS au congrès de la Maison des URPS en mars 2025 qui comprend une convention avec l’association Soins aux Professionnels de Santé SPS (https://www.asso-sps.fr/) permettant un accompagnement spécifique notamment des pharmaciens en difficulté.
Les modalités d’accès et d’accompagnement vous seront transmises par les URPS de chaque profession prochainement.
Vous pouvez retrouver la newsletter de juin de SPS à ce lien https://mailchi.mp/asso-sps.fr/partenaires-sps-quoi-de-neuf-au-mois-de-juin?e=1d2eb92c73 et vous inscrire pour la recevoir régulièrement.
- Avant une agression - Formations à la gestion des conflits et à la communication en situation difficile
Votre URPS travaille en lien avec l’ARS à la mise en œuvre de formations conduites par Patrice Renauld* (qui a déjà collaboré avec les URPS pharmaciens et kiné à des formation de gestion de la violence spécifique à ces professions) et ayant pour objectif d’agir en amont d’une agression : apprendre à repérer les situations à risque, à éviter qu’elles dégénèrent, à désamorcer un conflit, à se protéger en cas de violence…
Ces formations vous seront exposées dans les mois à venir.
*Enseignant de systèmes martiaux depuis plus de 20 ans sur NANCY : Wing Chun, Kali, Jeet Kune Do, sous forme de cours, de stages et de coaching. Son approche globale et contextuelle de la défense personnelle permet d'adapter son enseignement en fonction des considérations physiques, morales et émotionnelles des participants.
Prendre soin des pharmaciens et de leurs équipes, c’est préserver un maillon indispensable de notre système de santé. C’est aussi rappeler que derrière chaque comptoir, il y a un professionnel de santé qui mérite sécurité, respect et reconnaissance. Plus que jamais, la bienveillance doit circuler dans les deux sens : du soignant vers le patient, mais aussi du citoyen vers le soignant.
Documents téléchargeables sur le site :
Affiche Stop aux violences en pharmacie A4